Quand les vers de terre font leur job dans un immeuble

par | 6 Sep 2018 | Archives => 2023

Genève

Depuis plus d’un an, des milliers de vers de terre épurent les eaux usées d’un immeuble de la coopérative Equilibre, à Genève. Avec succès!

Les vers se nourrissent des matières fécales produites par les habitants de l’immeuble.

Le système écologique pour épurer les eaux usées d’un immeuble à Genève a fait ses preuves, même si quelques améliorations peuvent être apportées à cette expérience pionnière.

«La première réussite, c’est que les vers sont toujours là», s’exclame Stéphane Fuchs, responsable du bureau d’architecture ATBA qui a construit l’immeuble de six étages du 7 rue Soubeyran. «Depuis février 2017, nous n’avons pas rajouté un seul lombric.

Pourtant, un ver de terre, c’est très fragile. Il ne supporte pas les variations du degré d’acidité induites par des produits de nettoyage très corrosifs», explique l’architecte.

D’une cinquantaine de kilos au départ, les lombrics sont désormais entre 300 et 400 kg à se repaître des matières fécales produites par la centaine d’habitants, soit 600 kg en un mois. Sans compter les milliers de litres d’urine. «A ma connaissance, un modèle de lombricompostage de cette dimension est unique au monde», souligne le «père» du projet, le biologiste vaudois Philippe Morier-Genoud.

Dans le jardin

Dans le jardin, la STEP se présente sous forme d’une grande terrasse en bois, sous laquelle des filtres sont installés. Deux d’entre eux traitent les eaux grises de la douche, vaisselle ou machine à laver. Un troisième, de 8 mètres de diamètre, récolte les eaux noires issues des toilettes. C’est là que vivent les lombrics, cachés sous la paille.

Aidés par divers micro-organismes, les vers de terre transforment la matière fécale en eau, en gaz carbonique et en minéraux. «Rien n’est nouveau, tout est inventé par la nature», explique Philippe Morier-Genoud. «Sur les pâturages, des bouses de vaches sont digérées par la faune du sol et et nous trouvons l’eau propre à la source qui sort au pied de la montagne».

Peu d’entretien

Les eaux passent ensuite dans une citerne de 26’000 litres, avant d’être récupérées pour les toilettes et l’arrosage. Elles ne sont pas encore réinjectées dans le potager, en attendant que leur teneur en bactéries et micropolluants soit connue.

Le système ne demande que peu d’entretien, environ une heure et demie par mois, détaille Stéphane Fuchs. Il s’agit notamment de répartir à la fourche la paille qui couvre les filtres. Environ 40 bottes sont rajoutées par année.

Toilettes suédoises

Préalable au bon fonctionnement du système, une très faible utilisation d’eau est atteinte grâce à des cuvettes de WC dénichées en Suède et équipées de deux canaux: un pour la petite, l’autre pour la grande commission. Le premier utilise un litre d’eau; l’autre quatre. «Les enfants ont eu un peu de peine à s’habituer au début», raconte Stéphane Fuchs.

Du côté des usagers, la satisfaction est de mise. «Nous n’utilisons que des produits naturels. Pas d’ammoniaque, ni d’eau de javel qui seraient fatals aux habitants de la fosse», explique Caroline Minder, une habitante. Et, contrairement aux craintes que l’on aurait pu avoir, aucune odeur gênante ne se dégage des filtres«.

Mieux protéger en hiver

«Le moteur fonctionne bien. Mais la carrosserie peut être améliorée«, estime l’architecte. »En hiver, nous protégerons l’installation au moyen d’une bâche. Les lombrics travaillent mieux quand il fait moins froid, même s’ils ont résisté l’hiver dernier à des températures de moins 16 degrés. Cela permettra aussi de protéger la paille de la pluie.»

A optimiser aussi, la teinte jaunâtre prise par l’eau des toilettes en raison des tanins du bois. »On va chercher une autre solution avec l’aide précieuse de Philippe, du charbon de bois peut-être”, note Stéphane Fuchs.

Moitié moins

Au final, la consommation d’eau des WC est divisée par deux: de 20 à 22 litres par jour et par personne au lieu de 46. Financièrement toutefois, la réinjection de l’eau n’est pas rentable à cause du coût d’une pompe spécifique et d?un réseau de distribution secondaire.

Pour Philippe Morier-Genoud, le bilan pour un tel système en milieu urbain est très positif. Le biologiste tire son chapeau aux autorités genevoises qui ont fait bon accueil à l’expérience.

Pour l’heure, aucune demande n’a encore été sollicitée dans le canton de Vaud. Mais l’équipe ATBA y pense dans le cadre de Métamorphose, le projet d’éco-quartier de la Plaine du Loup à Lausanne. (nxp/ats)

Article de 20 minutes, jeudi 6 septembre 2018