Maman, j’ai envie de jouer du piano

par | 16 Mai 2017 | Archives => 2023

Votre chérubin s’est pris de passion pour ce bel et grand instrument, vecteur de joie, de puissance sonore, d’amuseur de soirées et consolateur de peines…

Comment répondre à son engouement, si spontané, si valorisant pour nous autres parents ?

Les problèmes déjà se profilent dans votre esprit, ne serait-ce que l’achat, puis l’encombrement de l’instrument dans le salon, suivi des réactions des voisins, et finalement la question essentielle que chacun pourrait se poser : est-ce un caprice ou un réel intérêt ?

Pour le prix et la place du piano, ainsi que les histoires de voisins, je n’ai pas de réponse.

Par contre, concernant la perte d’intérêt qui risque de survenir après quelques mois, j’ai quelques solutions.

Avez-vous… votre chérubin a-t-il… conscience de la multiplicité des compétences qu’il lui sera demandé de maîtriser en commençant le piano?

En plus de l’apprentissage d’un langage et de signes particulièrement complexes à déchiffrer, il devra être habile à coordonner ses 2 mains, à réaliser des rythmes nouveaux.

Il devra établir des liens entre l’œil, l’oreille et les mains, savoir poser ses doigts à la bonne place avec la bonne tonicité, sans crisper épaules ni coudes.

Il devra développer les bons réflexes en lien avec les contenus musicaux et la disponibilité de ses commandes musculaires.

Voilà, chers parents, quelques éléments de la richesse du menu qui attend l’apprenti-pianiste.

Quel professeur, quel éducateur, quel parent a-t-il jamais éprouvé la sensation que son élève – son enfant – était « dépassé » par sa partition ?? Quel professeur, quel éducateur, quel parent a-t-il jamais eu le sentiment que ses explications théoriques ne suscitaient guère de progrès dans le travail de son élève – son enfant- ?

Chacun sait que lorsque l’on veut cueillir les fruits de son jardin, il faut commencer par préparer la terre…

De même, si l’on veut cueillir les fruits d’une activité artistique, il est nécessaire de préparer le terrain.

Qu’est-ce que cela signifie dans le cas qui nous intéresse ?

Préparer le terrain pour une pratique instrumentale

c’est commencer par cultiver le plaisir de bouger par le jeu chanté ou dansé, avec des balles, des cordes à sauter, des foulards et autres objets, et de vivre le rythme en sautant, courant, marchant, respirant

… c’est apprivoiser, dans des gestes et des déplacements effectués dans la globalité du corps – pas seulement par la tête et les bras – la coordination haut-bas, droite-gauche, fort – doux, vite – lent

… c’est apprendre, par le jeu toujours, à canaliser ses énergies, à trouver des solutions, à mémoriser des mélodies

… c’est entrer dans l’univers sonore de manière ludique et progressive, selon un rythme et par des activités adaptés à la nature de l’enfant, celui-ci n’étant pas encore mûr pour l’abstraction des partitions.

… c’est installer le rythme corporellement au lieu de le compter, c’est utiliser le rebond et la détente pour mettre de l’élan et de la vie dans son jeu instrumental !

En faisant l’économie des étapes de préparation à la pratique instrumentale, l’enfant et ses parents risquent de passer à côté de la joie (joie par ailleurs indispensable si l’on souhaite entretenir la motivation)… de cueillir les fruits savoureux et gratifiants de l’étude d’un instrument.

Ils risquent de s’égarer dans les ronces de l’échec, dans la lassitude d’une étude stérile, dans la monotonie de tâches répétées sans résultat. Sans oublier la fatigue et les douleurs dues à des gestes mal coordonnés. Après quelques mois, l’enfant ne trouve plus du tout de plaisir à  rejoindre son clavier, son archet ou son biniou !

Chers parents, vous qui souhaitez offrir à vos enfants l’épanouissement  au travers d’une pratique musicale instrumentale, ne soyez pas trop pressés !

Évitez-leur une spécialisation précoce qui ne ferait qu’égarer l’élan de votre enfant dans des rébus compliqués et des angoisses inutiles.

Sachez dompter son impatience en lui proposant de commencer par vivre la musique en mouvement, dans un cours de rythmique ou de musique-mouvement. Vous lui éviterez ainsi bon nombre de déconvenues, car en arrivant à son instrument, il se sera familiarisé avec cet univers merveilleux, il aura pris confiance en lui.  Il connaîtra un répertoire de chants qu’il pourra directement réaliser avec musicalité, et vous les présenter…

et je vous assure que sa motivation en sera nourrie et renforcée !

Serroue, 15 mai 2017
Josianne Robert