Un long Week end à l’Alpe

par | 9 Août 2017 | Archives => 2023

Une amie me propose d’aller lui dire bonjour à L’Alpe !!!

Toute enthousiaste, j’ai bien évidement dit oui… Je n’imaginais pas l’aventure qui m’attendait.
Arrivée dans le haut Valais, je m’embarque dans une « riquiqui » cabine de téléphérique se balançant au dessus d’un vide « immense ». La cabine avale les courbes de niveau à grande vitesse, pour arriver sur un mini plateau à 1900 m d’altitude.

Les oreilles et le ventre remis en place, je pars pour l’Alpe, petite grimpette de 300 m, je peux compter sur mon amie pour avoir fléché le chemin :  tout droit en haut et nous y voici.

L’eau de la Fontaine qui glougloute me ravit les sens, je m’y désaltère avec bonheur. Mon amie sort de la cave avec un grand tablier blanc, le sourire aux lèvres, les bottes aux pieds. Partage du premier repas. Une boule de sérac est posée sur la table, et là, je prend conscience prosaïquement de ce qui se passe en ce lieu. On transforme le lait…..

Un troupeau de vache broute dans une pâture non loin de là, une grande cuve attend le lait de la traite du matin et du soir, et la moitié du chalet est en fait une laiterie; tout le sous sol : la cave à formage.

M : T’as envie de voir comment cela se passe et y participer ?

L : Ouiiiiii…. volontiers avec bonheur!

M: Bon alors demain debout 4h30 ….

L : What ? … et bien si je pensais pouvoir dormir!…

Ma curiosité naturelle reprend rapidement pris le dessus.

Le réveil sonne…Commence la journée de la fromagère.

Les fourneaux sont allumés, la bouilloire mise sur le feu et retour sous la couette le temps que le chant de l’eau qui frétillent se fassee entendre. Un thermos de thé fleurant les herbes des prés est préparé.

Le matériel de la veille qui trempe alternativement dans un bain d’acide ou de soude est sorti et lavé, puis descente à la cave ou les fromages de la veille sont posés sur des planches en bois.

Il est temps d’aller chercher le lait sur l’Alpe d’à coté.  Montées dans un petit « traclet », nous voilà parties cahotantes deci-delà, roulant dans de petits rus, grimpant la colline pour mieux la redescendre, charger les boilles et retour au bercail.

La température du lait est contrôlée…. puis celui-ci est versé dans la grande cuve en cuivre. Celle-ci fait partie des « petites », elle ne fait que 300 Litres.

Le fromage de l’Alpe est fait avec le lait cru, c’est à dire qu’il n’est pas chauffé au dessus de 41°. Plusieurs étapes sont nécessaires à la transformation. Juste une recette à suivre parait-il !

Mettre les enzymes et ferments, laisser reposer ! Il est environ 7h30. Les timing sont scrupuleusement notés sur un tableau, nous avons ~ 30-40 min pour la Pause déjeuner… La café au lait coule dans les ventres avec un solide porridge, pain de seigle, oeufs… Les restes sont jetés dans un saut qui raviront les poules dans la journée.

Retour dans la laiterie, le caillé est il suffisamment solide ? quelques minutes de plus nous sont offertes, un bon étirement au soleil face à 3- 4000 m .. du pure bonheur, le soleil monte dans le ciel illuminant de milles feux les monts enneigés.

Le moment de la découpe est arrivé, et voici mon amie qui prend  » sa harpe » et découpe selon des gestes millénaires la masse caillée. Ni trop vite, ni trop lentement, l’objectif est d’obtenir une « semoule » de grains allant de la taille d’un grain de riz à un grain de maïs. Plus petit il passe entre les mailles du filet, plus grand cela péjore la qualité du grain du fromage.

Sa main plonge dans la masse, tâte le produit, le roule entre ses doigts, le goûte, le hume. Le temps du brassage de la masse pour continuer de faire sortir le petit lait est arrivé, nous sommes au environ des 9h00.

Mon amie empoigne une grande toile, créant avec celle-ci un sac qu’elle plonge dans le chaudron, le remplit avec le caillé grumeleux et va verser celui-ci dans les moules préparés sur l’établi. Elle répète cette opération autant de fois qu’il le faut, plusieurs moules seront ainsi remplis. Un poids est posé sur chacun d’eux, la phase de l’égouttage commence. Au fil de la journée, les masses vont être sorties, coupées retournées, afin de finaliser l’égouttage.

Dans le foulée on confectionne du sérac, celui-ci est élaboré avec le petit lait restant, par précipitation d’un acide à chaud. Cette fois les toiles sont remplies du lactosérum (serac)  qui prend la forme d’une boule et est pendu à la poutre en dessus du plan de travail.

S’en suis le nettoyage à grande eau de tout le matériel utilisé, nos ventres se rappellent à notre bon souvenir, il est midi.

Le début de l’après midi se passe en cave, salage, affinage, chaque fromage est retourné, nettoyé, bichonné.

16h00, il est l’heure de se rendre « à la salle de traite », 20min de marche le long du bisse, (canal d’irrigation). Ce sont des  témoins historiques de la vie économique et sociale du canton du Valais.  La configuration géographique du canton du Valais et son climat sec obligent à aller chercher l’eau dans les rivières situées au fond des vallées latérales pour l’amener jusque sur les terres dédiées à l’élevage durant la belle saison. Les pâtures et prés de fauche nécessitent une irrigation importante encore aujourd’hui.

Des mots doux, chaque vache est connue par son nom, je me trouve devant un troupeau calme qui ne connait pas les coups de bâton. Par contre les granules homéopathique et l’accupressure font parties de l’arsenal de soin.

Les pis sont nettoyés, et c’est parti pour 1h30 de traite. Efficacité et sérénité font parties du décors, le soleil brille. Bien que la journée soit longue, la simplicité, et les bonheurs que je ressens dans les échanges me font gouter à des rythmes d’un autre temps qui me font du bien.

Le lait est versé dans les boilles, qui sont refroidies au fur et à mesure grâce à l’eau de la montage. Il faut dire que le lait doit atteindre une température inférieure à 10° dans les 120 min qui suivent la traite.

18h30 on rentre au chalet, verse le lait une nouvelle fois dans le cuve. On prend des nouvelles de la bergère qui campe à la montagne avec le reste du troupeau. Tout va bien, demain nous irons lui porter du lait et des vêtements chaud. Un dernier passage à la cave. Souper et extinction des feux à 20h30… Demain une nouvelle journée commence à 4h30.

J’ai vécu 72h00 dans un temps transformé. La technologie est au rendez vous, bien qu’adaptée aux conditions.  Je n’ai pas vécu ce temps comme un plongeon dans le passé. Est ce que travailler de cette façon a encore du sens ? Au vu du nombre de « Mütschli » qui ont été vendu sur place, dans ce laps de temps, j’ai de la peine a penser que ces produits sont désuets et déplacés. L’investissement et le prix a payer pour l’équipe en place est il trop lourd ? 4 mois non stop, des journées de 16h00 ? Pas très syndical tout cela.

Je me suis juste sentie dans un rythme vrai, adapté à la vie qui m’habite et me suis observée à penser que la vraie vie est peut être sur l’Alpe….

Lb. Serroue 9 aout 2017

 

 

 

 

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